J'avais pris l'habitude que ça fonctionne...
Et hop, vas-y que je clique à droite et à gauche avec une dextérité toute nouvelle et une surprenante aptitude au dressage de souris ! Génial : les soldes, la boutique orange, le voyage de mes rêves, les clubs de rencontre, l'horoscope, le CAC 40 seconde après seconde, les dernières infos sportives, le surf cheveux au vent sur les blogs !
Bref, le bonheur pixellisé !
Et puis tout qui part en saucisse au moment où le pic de plaisir bat son plein : la machine qui ronfle, ralentit, s'étouffe ; le clic sur démarrer pour éteindre et la bécane qui refuse de me quitter ! L’angoisse de la séparation sans doute… Rien... Toujours là , pas moyen de m'échapper, juste regarder bêtement l’écran grisâtre afficher son problème afin de m’éviter d’en avoir un, qu'il dit…
Le début de la torture !
L’absurde absolu qui s'immisce dans le labyrinthe des intreconnexions et vient me rendre visite, rattrapant mes instincts contemplatifs pour me plonger dans l’épouvantable et incompréhensible monde moderne ! Non pas que je sois un vieux dans le sens temporel du terme… Non, je suis même plutôt ouvert à une forme de modernité. Objectivement j’essaye de fonctionner avec mon temps, de m’accrocher aux wagons sans cesse plus nombreux du progrès… Où en étais-je, là ?
Ah, oui ! Internet… Elle est affectueuse ma bécane, mais quand même ! Bon, l’assistance… C’est quoi le numéro déjà ?
"We can be a hero"... « J'aimerai bien pouvoir nager, juste comme un dauphin », s’échine un rocker à la voix éraillée par un haut parleur défaillant. L’attente… Comment faire ressentir l’attente ? Cette perte de temps sans retour qui vous fait ressentir votre limite existentielle. Cette dépendance de nourrisson à l’égard d’un « combiné », d’un appareil, d’une chose mystérieuse qui transmet des ondes invisibles, contre toute rationalité visuelle. Qu’aurait fait Saint Thomas ? Voir pour croire ?
L'attente... Toujouts l'attente...
Allo ? Oui ? « Appuyez sur la touche étoile », ordonne le son, dans un impératif qui n’autorise pas la discussion. Elle est où la touche étoile ? Voilà ! Bip, c’est bon… « Munissez-vous de votre numéro de compte afin d’accélérer votre temps d’attente », ordonne encore le son qui parle… « Avez-vous songé à faire ceci ou cela ?» questionne-t-il encore. Et non, je n’y avais pas songé. Comment aurais-je pu ? L’attente…
J’attends.
Je regarde par la fenêtre.
Quoi faire d’autre ? Tiens, la voisine avec son con de chien qui pisse sur ma murette ! Celle-là, elle me gave tous les jours avec son clébard ! Heureusement, elle a un psy sympa... Incroyable les voisins... Bon, la voisine m’emmerde… En plus elle essaye toujours de regarder ce que je fais. Je la vois qui fait semblant de regarder ailleurs, d’appeler son chien, et son regard en coin qui louche vers ma fenêtre. Putain, c’est curieux les voisins !
- Allo, pouvez-vous me donner votre numéro de compte client ?
- Oui ? Quoi ? c’est qui qui m’appelle ?